Dans Abraham et fils, Martin Winckler retrace la vie d’un père et son fils dans les années 1960 dans un petit village de la Beauce. On suit l’intégration d’Abraham et Franz dans ce village, malgré les soucis. En effet, d’un côté Franz, le fils, a connu des soucis de santé. Suite à un accident, il a perdu la mémoire et donc perdu sa vie précédente. Abraham, quant à lui, explore la difficile réintégration à la vie française lorsque l’on a été rapatrié d’Algérie.
Martin Winckler signe ici le premier tome d’une saga familiale riche, qui transporte le lecteur dans les années 60. On a la sensation de déambuler à travers les rues de l’époque, de sentir les odeurs, de voir les personnages et de vivre réellement dans les années 60. Thiviers (ou sans doute Pithiviers) devient un village d’époque, plein de solidarité, d’entraide, mais aussi de douleur, de traitrise ou encore de désespoir. L’auteur ne cherche pas à montrer uniquement les points positifs du village d’époque, certes il y avait du positif mais pas que.
Les personnages sont très attachants. Abraham et son amour protecteur envers son fils, que j’ai trouvé particulièrement touchant, j’ai senti un sentiment de douceur se dégager de lui tout au long du roman. Franz et son amour dévorant de la lecture. Les personnages secondaires sont également lumineux, émouvants, ils ont tous une aura qui nous intrigue.
La narration est envoûtante, on ressent clairement le don de conteur de Martin Winckler qui nous entraîne à travers la vie quotidienne dans plus de 500 pages. Deux narrateurs dévoilent l’histoire : Franz et ses yeux d’enfant qui explique sa nouvelle vie, ses découvertes avec de nombreuses anecdotes et un narrateur qui semble omniscient, qui a tendance à être assez drôle (en tout cas qui m’a fait sourire plusieurs fois) et dont on découvrira l’identité à la fin du roman. Ces deux points de vue permettent de rythmer l’histoire et de plonger dans ces vies de façon plus profonde, plus ancrée.
Martin Winckler signe donc ici un premier tome addictif, un roman fleuve qui semble prendre source dans l’enfance de l’auteur lui-même. Visiblement, premier tome d’une saga de cinq tomes poursuivant jusqu’aux années 1980, on en sort impatient de découvrir la suite sans connaître de frustration. Un très joli roman aux accents de réalisme et d’histoire quotidienne.