Tu verras, Nicolas Fargues

 
Titre : Tu verras
Auteur : Nicolas Fargues
Editeur : P.O.L.
Date de parution : Janvier 2011
Prix : 15.70 €
Prix du livre France Culture Télérama
 Présentation de l’éditeur 
Nicolas Fargues raconte que, sur le périphérique, un dimanche, ses deux fils étaient assis à l’arrière de la voiture et une station de radio a passé Don’t Matter, d’Akon, une chanson qu’il n’avait jamais entendue jusque-là. Comme elle ne lui plaisait pas, il a voulu changer de fréquence. Mais son fils aîné, qui connaissait les paroles par cœur, l’a supplié de lui laisser l’écouter jusqu’au bout. Dans les semaines et les mois qui ont suivi, Nicolas Fargues a entendu le morceau à plusieurs reprises sans pour autant l’apprécier davantage. Mais puisque désormais il était immanquablement associé à l’image de son garçon, il l’a lui aussi, chaque fois, écouté jusqu’au bout.
Un matin, son fils a quitté l’appartement pour l’école comme chaque jour, en lui faisant un signe de la main puis en se retournant, avec son énorme cartable sur le dos et son jean baissé jusqu’à mi-fesses. Attendri, Nicolas Fargues a eu cette pensée étrange et en même temps irrépressible que si son fils venait à mourir brutalement au cours de la journée, il ne pourrait plus jamais écouter cette chanson d’Akon qui ne l’émouvait pourtant pas plus que cela. C’est d’imaginer tout ce qu’il pourrait ressentir qui a été le point de départ de ce roman non autobiographique qui, sur un ton proche de son roman J’étais derrière toi (2006), adopte cette fois le motif de l’enfance pour parler d’amour et de solitude.
Dur, car il se situe dans les jours et les semaines qui suivent la mort accidentelle d’un enfant, un pré-ado, on y voit et on y écoute son père revivre non seulement les circonstances du drame mais aussi leur vie quotidienne et tout ce qui commençait à les opposer l’un à l’autre, tous les conflits commençant qui dressent les fils contre les pères et d’autant plus lourdement quand il s’agit d’un père « séparé ». On retrouve dans ce roman toute la finesse d’analyse de Nicolas Fargues, son talent d’observateur des comportements, des codes et des modes. Un roman qui nous emmène jusqu’en Afrique, où il va trouver sa conclusion suspendue, un roman qui est aussi un hommage intense à l’enfance. 
Avis
Dans ce roman, Nicolas Fargues aborde une peur commune à tous les parents : la mort de l’enfant.
Le roman est divisé en trois parties, dans la première on apprend à connaître les deux protagonistes principaux : le père et le fils, on découvre la vie d’avant le drame, leur relation, leurs personnalités. Puis le drame arrive, Clément est mort, il n’avait que douze ans. Arrive alors la partie plus délicate sur la façon de gérer ce deuil, comment accepter la mort d’un enfant si jeune, comment accepter de ne plus voir son fils. Et enfin on aborde la partie sur après le drame, quelques temps après la mort de son fils, comment le père réagit-il.
L’ambiance est très forte, très pesante tout au long du livre. Les personnages sont proches, Clément ne vit qu’avec son père, par choix. Il avait lui-même demandé ce mode de garde lorsqu’il n’était qu’un enfant de 5 ans. Ils ont une relation assez forte même si forcément, ils ne sont pas toujours d’accord.
Le titre est cruel au final, puisqu’il rappelle ce que Colin disait toujours à son fils pour expliquer sa dispute « tu verras quand tu seras grand », « tu verras ». Au final, Clément ne « verra » pas. Il ne verra pas au-delà de ses 12 ans. Il n’y a cependant pas que le titre qui soit cruel, Colin apparaît assez ironique, sarcastique dans certaines remarques faites à son fils. Fâché de voir que Clément cède à la copie pour imiter ses copains, il n’hésite pas à se moquer de lui, à faire des remarques plutôt acerbes, ce qu’il analyse et regrette plus tard, lorsqu’il revient sur l’éducation.
Ainsi, il se demande si c’est vraiment bien utile de gronder son enfant sur ses tenues ? Sur son pantalon qui descend sous le boxer ? Par sa réflexion, par ses remords, on aborde une large thématique éducative. Comment aimer son enfant, comment vivre avec, que transmettre à son enfant, quelles valeurs ? Autant de questions qui sont posées et que l’auteur résume en une phrase : « Aimer son enfant, est-ce aimer un autre que soi ou bien continuer de s’aimer soi-même, mais sans accabler de la mauvaise conscience d’être égoïste ? ».
Dans Tu verras, on découvre donc des interrogations sur la filiation, sur l’éducation, mais on lit surtout une espèce d’exorcisation de la crainte de tout parent. Et ça nous rend presque mal à l’aise, parce qu’on imagine aisément la douleur ressentie. Les mots sont justes, les émotions palpables. On lit le roman d’une traite, bouleversés par les évènements, voulant assez sadiquement aussi découvrir de quoi est mort Clément, dans quelles conditions. Et nous voulons observer, de façon assez malsaine, comment un père peut se remettre de cette mort, voir l’évolution du deuil.

Loucy

Cyrielle, Bibliothécaire de 28 ans, blogueuse. J’aime lire (sans rire), les pingouins, les films, la musique (en jouer, en écouter), la noix de coco & la vanille. Mais surtout vous êtes sur mon bébé : Lou lit là, mon blog pour échanger autour de la lecture.

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