Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre, Céline Lapertot

Présentation de l’éditeur

Imaginez l’histoire d’une violence. Celle que fait subir un père à sa fille, honteuse, intime, qui ne peut se dire ou qu’on ne veut pas entendre…

Et je prendrai tout ce qu’il y à prendre est l’explication du silence dans lequel Charlotte – dorlotée jusqu’à ses sept ans puis soumise aux sévices de son père – s’est enfermée. C’est la jeune fille de dix-sept ans qui révèle le secret de son enfance. Elle a tué et elle doit témoigner. Sous la forme d’une lettre ouverte adressée à son juge, elle raconte, elle revendique son acte et en assume la responsabilité. Après s’être tue pendant si longtemps, comment s’exprimer, comment trouver les mots pour faire comprendre l’inavouable, l’innommable ? Charlotte a décidé que ce ne sera pas par le son de sa voix que le juge l’entendra mais bien par l’écho que renverra sa confession manuscrite…

Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre bouleverse parce que Céline Lapertot a trouvé le rythme juste pour maintenir la tension dramatique qui en fait la force. Le lecteur reste auprès de Charlotte – Antigone moderne et fragile – à chaque instant. Il partage sa douleur, lui qui est le seul à la connaître…

Avis

Voici ma première lecture de la rentrée d’hiver et autant dire que le niveau est haut. Quelle claque ! Le deuxième livre de Céline Lapertot a tout pour nous bouleverser, nous emporter dans le récit d’une jeune fille parricide. Le titre m’avait intriguée lors de ma veille littéraire et le résumé m’avait convaincue. Mais autant vous dire que j’ai dévoré les 200 pages du livre, commencé ce matin et fini ce soir. Et surtout j’ai très envie de découvrir son premier roman désormais.

Nous découvrons l’histoire de Charlotte petit à petit en suivant ce qu’elle écrit au juge qui doit rendre son verdict sur le meurtre qu’elle a commis : elle a tué son père. Un acte qui semble horrible et pourtant en lisant le passé, en découvrant ce que la jeune fille a enduré, on ne peut que la comprendre. Et une question arrive « pourquoi n’a-t-elle rien dit ? ». Cette question est bien entendu anticipée par la jeune fille, qui nous explique, qui permet de se placer dans la peau d’une autre sorte de victime. Celles qui ne parlent pas. Et Céline Lapertot trouve réellement les mots, les phrases, la rythmique qui nous touchent, elle est vraiment très juste. On a l’impression d’avoir trouvé ce cahier destiné au juge et de lire les mots écrits par Charlotte. On tombe complètement dans cette histoire, elle nous semble vraie, on oublie le roman.

La rythmique fonctionne à merveille, tout tombe parfaitement. On découvre l’évolution de l’horreur, en suivant l’âge de Charlotte de ses sept ans à maintenant, soit dix ans plus tard. A chaque début de chapitre, on retrouve une ou deux phrases à l’attention du juge, des phrases choc qui nous marquent.

L’évolution de la vision de Charlotte est également très intéressante, tout comme son regard sur sa mère. Au tout début, on sent de la pitié envers sa mère, de l’incompréhension : comment peut-on s’oublier au point de se laisser faire ainsi par son mari ? Elle a la certitude que son père ne lui infligera jamais le moindre sévisse, et pourtant … Petit à petit, on voit comment il la soumet, comment elle analyse la situation. J’ai beaucoup apprécié de voir les raisons de son mutisme et qu’elle explique le pourquoi comme elle pouvait.

« Je suis une victime. Une victime détestée par d’autres victimes qui ont eu , elle, le courage de parler. Une victime gênante pour les bien-pensants qui s’imaginent qu’il auraient mieux fait que moi.
Moi je lui aurais fait du chantage.
Moi j’aurais tout dit à mes profs.
Moi je l’aurais tué depuis longtemps déjà. »

J’ai aimé également les thématiques abordées plus ou moins explicitement : la surcharge des tribunaux (Charlotte a rendez-vous à 8h le matin pour être jugée, et aura finalement le temps d’écrire tout un cahier à destination du juge), la violence que l’on ne détecte pas, la solitude, l’envie de vivre, les victimes et l’impossibilité d’alerter, mais aussi la rancune de certains personnels qui lui en veulent au final qu’elle ne les ait pas prévenus et qu’ils n’aient ainsi pas pu être les sauveurs de la jeune femme.

On lit ce livre en apnée, d’une traite, on ressent toutes les émotions de Charlotte, on éprouve du ressentiment, de la colère, de la pitié, du désespoir, de l’espoir, … Et surtout on comprend son geste.

Un gros coup de cœur pour ce roman.

Loucy

Cyrielle, Bibliothécaire de 28 ans, blogueuse. J’aime lire (sans rire), les pingouins, les films, la musique (en jouer, en écouter), la noix de coco & la vanille. Mais surtout vous êtes sur mon bébé : Lou lit là, mon blog pour échanger autour de la lecture.

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Commentaires

6 réponses à “Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre, Céline Lapertot”

  1. Avatar de eleapaikan
    eleapaikan

    Et bien ça me donne vraiment envie de le lire 🙂 je vais le reserver demakn a la bibli ^^

    1. Avatar de Loucy
      Loucy

      Je le ramène demain, je pourrai te le donner directement du coup ! 😉

  2. Avatar de Jostein

    Un sujet difficile. Je viens de lire un court roman sur ce même thème, Sauf les fleurs de Nicolas Clément. Fort et poignant aussi mais avec un style particulier où les mots couvrent un peu l’indicible.
    Je note celui-ci

    1. Avatar de Loucy
      Loucy

      Ah je ne connais pas, mais je me le note pour un jour ! Merci

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