J’ai eu la chance de remporter le Chagrin des Vivants d’Anna Hope avec une masse critique spéciale de Babelio et surtout d’être invitée à la rencontrer par la suite. J’espérais donc apprécier son roman (c’est quand même plus agréable lorsqu’on rencontre l’auteure) même si vu le thème, je ne prenais pas un grand risque. Au final, mes espérances ont été dépassées et le coup de coeur fut au rendez-vous.
Nous suivons trois personnages féminins qui seront nos voix narratives tout au long du roman. Ces trois femmes sont totalement différentes les unes des autres, mais elles ont toutes été touchées par la première Guerre mondiale, et l’ont vécu différemment. Au fur et à mesure de l’intrigue, on découvre également des liens plus ténus qui les rapprochent. Nous avons donc Hettie, qui fut ma préférée je dois l’avouer, une jeune fille qui pourrait presque être insouciante, danseuse pour quelques pennys, et qui côtoie surtout par son métier des anciens soldats. Elle est celle qui paraît la plus naïve sur cette guerre, elle vit avec sa mère et son frère qui a été soldat et qui reste très marqué. Ils ne parlent jamais de la guerre chez eux, elle n’y reste d’ailleurs que peu. Elle rencontre un jour un homme mystérieux et c’est par son biais qu’elle prendra conscience de ce qui a eu lieu réellement. Ensuite, nous avons Evelyn, trentenaire, qui a perdu son fiancé durant le conflit. Elle est amère, en colère. Au début, il est difficile de s’attacher à elle du coup, tant la haine suinte d’elle. Elle travaille pour les pensions et est donc confrontée à des anciens soldats tous les jours, comme si elle s’infligeait en plus la torture d’être face à hommes désespérés chaque jour. Au fur et à mesure du roman, c’est celle qui nous permet de prendre le plus conscience de l’après guerre, de la difficulté d’avancer, de reprendre une vie normale. Elle est la plus confrontée aux horreurs il faut dire. Enfin, Ada, cinquantenaire, qui a perdu son fils unique lors du conflit. Elle est plus que touchante, émouvante. Cette femme vit dans l’attente de retrouver son fils, ou du moins de recevoir plus d’information sur comment son fils est mort. Elle le voit partout, comme un fantôme qui la poursuit. Sa vie de couple s’en trouve mise en difficulté et il est intéressant de voir cet aspect des relations touchées par l’après guerre.
« …Et quoi qu’on puisse en penser ou en dire, l’Angleterre n’a pas gagné cette guerre. Et l’Allemagne ne l’aurait pas gagnée non plus.
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
– C’est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours. »
Il trace un cercle en l’air avec sa cigarette : c’est comme s’il dessinait l’ensemble des guerres, si innombrables soient-elles, l’ensemble des guerres passées et l’ensemble des guerres à venir.
« C’est la guerre qui gagne, répète-t-il amèrement, et celui qui ne partage pas cet avis est un imbécile. »
Le roman se poursuit sur seulement quelques jours : les cinq premiers jours de novembre 1920, juste avant l’arrivée du soldat inconnu en Angleterre. Evénement qui a amené de nombreux badauds anglais, irlandais, écossais à venir se recueillir sur cette tombe pour se souvenir de l’horreur. Anna Hope signe ici un premier roman émouvant, touchant, plus que réussi. On sent les nombreuses recherches qui ont été mises en œuvre pour nous faire entrer dans l’histoire (et l’Histoire). En lisant les descriptions, les dialogues, on a l’impression d’y être. On est dans les lieux décrits, on sent l’odeur de cigarette, l’odeur des années 20. Les personnages sont complexes, ils nous émeuvent tous à un moment, nous agacent, nous étonnent. Voir tout par le regard de trois femmes d’âges et de milieux différents permet aussi d’enrichir son récit.
Pourquoi ne peut-il pas passer à autre chose ? Pas seulement lui. Tous autant qu’ils sont. Tous les anciens soldats qui font la manche dans la rue, une planche accrochée autour du cou. Tous vous rappellent un événement que vous voudriez oublier. Ça a suffisamment duré. Elle a grandi sous cette ombre pareille à une grande chose tapie qui lessive la vie de toute couleur et toute joie.
Un coup de coeur pour ce roman, confirmé par la suite par la rencontre avec l’auteure dans les locaux de Gallimard. Elle vient d’ailleurs de sortir son deuxième roman en Angleterre et il est sur que je le lirai, surtout vu le thème qui m’intrigue également. Si vous aimez les romans historiques, si vous aimez les histoires de femmes, n’hésitez plus et foncez découvrir le Chagrin des Vivants. Vous ne regretterez pas votre lecture !
Ce livre me tente beaucoup, il a l’air très beau.
Oui ! Fonce ! Je suis sûre qu’il te plaira 🙂
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